Histoire du Grand tour


Grand Tour
"Le plaisir spécifique du voyage, c’est de rendre la différence entre le départ et l’arrivée non pas aussi insensible, mais aussi profonde qu’on peut, 
de la ressentir dans sa totalité, intacte, tel qu’elle était dans notre pensée quand notre imagination nous portait du lieu où nous vivions jusqu’au coeur d’un lieu désiré." Marcel Proust

Finalité du Cours
La culture du voyage, découverte de soi et du monde, incarnée par la tradition du Grand Tour, évolue vers la conscience du bien culturel perçu en tant que valeur identitaire et non plus seulement en tant que capital économique vertueux. Le voyage, vécu comme une opportunité de connaissance et de plaisir, s'ouvre à la perspective d'une expérience esthétique qui se nourrit du paysage, et est à la fois savoir et amour, aristocratie du goût et entreprise du beau.
«Grand Tour» est un projet spécifique né pour contribuer à la sauvegarde, à la protection, à la valorisation et à la diffusion des arts nobles, qui constituent le grand patrimoine artistique, culturel, littéraire et paysager de l’Europe.
Notre association entend promouvoir un témoignage du vaste engagement de tous dans la sauvegarde, la valorisation et la protection des biens artistiques, culturels et environnementaux de l’Europe.

Un peu d’Histoire du Grand Tour
Le 28 février 1749, Lord Chesterfield écrivit depuis Londres à son fils: «Dans quelques mois, vous aurez été instruit comme il se doit dans les trois plus importantes cours européennes: Berlin, Dresde et Vienne, de sorte que vous rejoindrez, je l’espère, Turin, particulièrement courtois et prêt pour la touche finale. Vous ne pourrez pas en recevoir de meilleure puisqu’il n’existe pas – que je sache – de cour à même de former des personnes plus éduquées et plus agréables».
Ce privilège comporte une responsabilité renouvelée: ce qui, au XVIIIe siècle fut la Cour, peut, au XXI siècle, être le Livre, en retrouvant les raisons d’un retour à la vie, des racines d’une civilisation gréco-romaine aux destins d’une Europe à construire dans la sagesse, de sorte que le livre et le monde redeviennent le même exercice de construction de sens pour l’homme: «Le monde est désormais l’unique livre dont vous avez besoin et ce livre nécessaire ne peut qu’être lu en compagnie, dans les lieux publiques et les ruelles» (Lord Chesterfield, 25 mars 1751).
À partir de Turin, l’Italie peut redevenir ce «cercle magique» dans lequel Goethe se vit inscrire à Rome, de sorte qu’«une époque nouvelle s’ouvre maintenant à moi. Mon esprit s’est tant dilaté à force de voir et d’apprendre, qu’il est nécessaire que je me limite» (Rome, 27 octobre 1787).
Ce «Grand Tour» ne sera donc pas un exercice de mémoire, mais un parcours de renouvellement visant à retrouver – dans les lieux qui furent la destination du «voyage de formation» de l’Ancien Régime – un héritage capable de nourrir un projet digne des civilisations dont nous sommes les interprètes, de sorte que nous puissions tout au moins dire, de nous-mêmes et de notre identité, ce que Goethe déclara à propos de Rome: «Je peux dire qu’au cours de ces huit dernières semaines, j’ai joui du bonheur le plus profond de ma vie et que je connais tout au moins le degré maximum en fonction duquel je pourrai mesurer à partir de maintenant le thermomètre de mon existence» (14 mars 1788).



Le projet est donc le suivant: retrouver les racines dignes de la mesure de la dignité humaine.
Toutefois, nos villes et le voyage que nous entreprendrons savent unir la dimension symbolique des monuments, des arts, des ‘partitions’ d’une civilisation à la dimension factuelle qui les transforme chaque jour. Pour chacune d’entre elle, nous pourrons répéter ce que Dumas écrivit à propos de la via Toledo à Naples: «elle est l’axe qui réunit la citadelle poétique et la ville industrielle».
En effet, le présent de l’Europe est le ‘point de mire’ de ce parcours de formations et d’idées: une construction d’identités à travers, non pas des événements éphémères, mais des vertèbres et des nœuds résistants, reparcourus de sorte à reproposer, pour chaque ville, l’un des traits saillants qui la rendit célèbre en Europe et à partir duquel nous pourrons repartir pour mettre l’Europe en valeur comme dans les Poésies italiennes écrites récemment par Iosif Brodskij:
Des coupoles comme coquille et des clochers pour vertèbres […]
La lumière récolte plus qu’elle n’a semé.



Le Grand Tour, orthographié de la même façon en anglais, était à l'origine un long voyage effectué par les jeunes gens des plus hautes classes de la société européenne, en particulier britannique. 
À partir du XVII siècle et surtout au XVIII siècle, destiné à parfaire leur éducation, juste après, ou pendant leurs études. Les destinations principales étaient la France, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse et surtout l’Italie, plus tard la Grèce et l'Asie mineure. Ces voyages duraient parfois plus d’un an, souvent en compagnie d’un tuteur. Ils devinrent une pratique normale, voire nécessaire à une bonne éducation.
Aux XVIII et XIX siècles, le Grand Tour fut l'apanage des amateurs d'art, des collectionneurs et des écrivains, dont Goethe et Alexandre Dumas. 

Voyages savants 
Tous les voyageurs ne se rendent pas en Italie pour parfaire leur formation culturelle ou se recueillir dans des lieux saints. Certains y vont dans un but scientifique, pour étudier, pour décrire, pour enrichir le domaine qui les intéresse.
Au XVII siècle, des érudits (Montfaucon, Spon, Mabillon) font des voyages très spécialisés, ne rapportant que des descriptions de bibliothèques, de cabinets particuliers, de pierres gravées, d'inscriptions anciennes. Ils ignorent ou plus exactement ne témoignent pas sur l'Italie de leur temps. D'autres voyageurs vont plutôt s'intéresser aux mathématiques, aux sciences physiques, à la géologie ou minéralogie.
Certains savants font exclusivement un voyage d'étude, ou accomplissent une mission, d'autres profitent de leur séjour pour se pencher sur leur domaine de prédilection qu'il s'agisse de la médecine, de la chirurgie, des salles d'asiles, des villes d'eaux et des bienfaits des eaux minérales, de l'agriculture, du climat et de ses effets sur la végétation, des jardins et des types de plantes et fleurs, d'astronomie, de la volcanologie... 
L'éventail représenté est très large.
De nombreux ouvrages scientifiques à caractère artistique vont naître de la fascination pour les grands sites archéologiques, à l'instar d' Herculanum, de Pompei ou de Paestum, les chantiers de fouilles, les projets de restitutions. Les relevés sur place de ports et rades rassemblés dans des guides très spécialisés sur l'art de naviguer, les nombreuses cartes géographiques constituent également de véritables instruments scientifiques.
Ces ouvrages permettent d'appréhender une autre Italie, différente mais complémentaire de la vision traditionnellement offerte.

Journaux intimes et correspondance de voyage
"Dès le commencement du voyage, dont je donne ici la Relation, je me proposai de faire un Journal des principales choses que je remarquerais et comme quelques-uns de mes Amis m'avoient fait promettre que je leur envolerais de tems en tems mes remarques; ce Journal s'est insensiblement fait en forme de Lettres.
M'étant trouvé dans l'obligation de produire ensuite ce petit Ouvrage, j'ai crû que je ferais bien de garder mon premier style: "le style des lettres est un style concis, un style libre et familier la manière d'écrire que j'ai trouvée la plus commode pour mon dessein." (Misson Voyage d'Italie)
Les formes adoptées pour rapporter un voyage en Italie sont multiples: récit, journal intime, correspondance, guide, dictionnaire encyclopédique, roman, poésie... 
Certains documents peuvent être tout à la fois et jouer sur plusieurs registres mais la plupart se conforment à un modèle préconisé par Misson, à la fin du XVII siècle, le journal par lettres. Il s'agit d'un recueil de lettres envoyées par l'auteur à ses amis ou sa famille pendant son séjour décrivant son périple. Mais il s'agit le plus souvent de récits factices, écrits à posteriori et basés sur des souvenirs travaillés, enjolivés... Il ne s'agit ni de vraies lettres ni de vrais journaux.
L'archétype du genre est sans doute Les lettres d'Italie de Charles de Brosses, écrit plus de 10 ans après son séjour en Italie. Ce modèle incontournable pendant des décennies s'étiole un peu au fil du temps. 
A la fin du XVIII siècle s'amorce un changement. Le genre évolue, les auteurs livrent désormais plus d'eux-mêmes. Ce n'est pas encore un journal intime au sens ou on l'entend aujourd'hui mais cela commence à y tendre.
Dupaty, l'un des premiers, livre ses impressions, les sensations qu'il éprouve. Le fait qu'il ait fait son voyage assez tard dans sa vie n'est sans doute pas anodin à cet état de fait mais si l'on compare son récit à celui de Charles de Brosses, effectué à peu près au même âge, on constate une évolution importante dans les mentalités, dans la perception et le rendu de l'Italie. 
Au XIX siècle, de nombreux écrivains vont se livrer à l'exercice du récit de voyage. Pour Chateaubriand, le récit de voyage s'inscrit dans des mémoires plus générales permettant toutes sortes de digressions et de réécriture à posteriori. 
Stendhal écrit presque en permanence sur une Italie majeure, au centre de sa vie et de son ouvre. En règle générale, les récits de voyages en Italie ne sont pas des journaux intimes, comme on l'entend à l'heure actuelle. 
Même si certains récits sont plus personnels que la plupart d'entre eux, ainsi celui de Montaigne, la grande majorité d'entre eux ne fait qu'obéir aux usages en vigueur à chaque époque, très codifié à l'époque classique, parfois à la limite du guide impersonnel, un peu plus impressionniste à la fin du XVIII siècle, plus individualisés, plus autobiographiques au XIX et XX siècle.

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